jeudi 31 octobre 2019

Tout est dans Zappa je te dis ! (Auteur Joel Tilly)

Franck ZAPPA

Joel me fait le plaisir de me confier cet article, sur Zappa, qui, je l'avoue, ne fait pas partie de "mon histoire du rock". Enfin, pas encore: l'histoire continue à s'écrire!!!

Merci Joel :)

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Cela fait un moment que Blaise m'a invité à lui envoyer une contribution pour son blog. Après avoir lu quelques-uns de ses articles, je lui avais en effet demandé : 

« Mais où est passé Franck Zappa » ? Réponse simple : Blaise ne connaît pas bien et n'est pas spécialement fan donc. 

Immense challenge en vue : donner à Blaise l'envie d'aller écouter du côté de Franck Zappa and the Mothers of Invention ! 

Et moi, j'en suis où avec Zappa ? 

Je crois que ça a commencé, enfin ça aurait pu commencer quand j'avais 12 ou 14 ans. J'écoutais ce que mes grands frères mettaient sur leur platine, Deep Purple, Led Zeppelin, Status Quo d'un côté, Eddy Mitchell de l'autre, en passant par Dr Feelgood et Au bonheur des Dames (lire absolument les articles de Blaise au sujet de ces deux groupes !). 

Et puis, il y avait les grands frères des copains. L'un d'eux nous avait fait écouter un truc, nous le présentant comme le must du must : 


Franck Zappa. 

Cela me paraissait compliqué, plein de coupures à l'intérieur des morceaux, de rythmes et de voix bizarres. J'en suis resté là. J'ai retrouvé bien plus tard dans mes vinyles un disque dont la pochette ne pouvait que m'attirer : on y voit un Zappa survolté dessiné par Liberatore (auteur de RanXerox, publié dans L'écho des Savanes), un genre de Zappastein écrasant de sa main gauche le manche de sa Fender déglinguée et fouettant l'air de sa main droite avec une tapette à mouche improbable. 

De l'autre côté de la pochette, le même Zappa vu de dos, dans un stade déchaîné où apparaissent le pape, des conquistadores, des fans de foot... The man from Utopia. 

Je ne sais plus comment ce disque m'est arrivé mais depuis ma première écoute de Zappa, j'avais grandi, écouté dans toutes les directions et m'étais ouvert les oreilles (Satie, Bartok pour ne citer qu'eux). Certains titres sont déroutants (« The radio is broken »!) mais j'ai découvert peu à peu la palette de Zappa (comme cet étonnant chant à l'unisson de la guitare dans The dangerous kitchen ou The jazz discharge party hats), la composition, le jeu des voix, les lignes instrumentales élaborées …. 

Et puis la guitare ! 

J'ai poussé un peu plus loin en piochant dans les disques de la bibliothèque municipale Tinseltown Rebellion. Ah ! ce choriste sur Fine Girl ou Love of my life, j'en ai des frissons et le souffle suspendu à chaque écoute ; Panty rap, longue partie parlée sur fond d'instrumentaux où Zappa officie un lancer de sous-vêtements féminins sur la scène et présente les musiciens ; Now you see it, now you don't, solo de guitare de bout en bout ... Voilà ce que je trouve chez Zappa : composition complexe, exigeante, improvisation de groupe, esprit potache, qualité des musiciens et solos de guitare d'une liberté et d'une richesse inouïes. Zappa improvise, sort des sentiers battus et des plans mâchés re-mâchés du rock, et les autres instruments ne s'arrêtent pas de « jouer ». 

Je m'en suis gavé plus tard en me faisant prêter par un copain guitariste son coffret de trois vinyles Shut up and play yer guitar, constitués uniquement de solos de guitare de Zappa, toujours ces fabuleux musiciens derrière lui. On peut comprendre ici comment Zappa produisait ses disques. 
Au début des Mothers of Invention, il a pris rapidement les rênes de la composition mais aussi de la production. Les Mothers tournaient beaucoup. Il enregistrait tous les concerts et une fois rentré au bercail, il se mettait au boulot, coupait, assemblait, ré-enregistrait des parties, rajoutait des instrumentaux, des effets, des parties parlées entre les morceaux … Pas de disque habituel donc, où on écoute un seul et même concert (enfin, peut-être qu'il en a fait ?) mais des morceaux enregistrés à différents moments et différents lieux, retravaillés et assemblés, et ça donne un truc cohérent d'un rythme incroyable. 

Enfin, je me suis mis à écouter en boucle Joe's garage, opéra rock où se mêlent rock, reggae, disco, gospel, funk, rythm'n blues, arrangés à la sauce Zappa ! La voix du « Crentral Scrutinizer » qui ponctue l'histoire, les voix sur Catholic girls, l'harmonica sur Crew Slut, la guitare sur On the bus, les transitions qui ne laissent aucun répit, le calme de Lucille has messed my mind up... Tout est là. Et maintenant ? Je n'ai pas eu la chance de voir Zappa en concert hélas, trop jeune sans doute ou n'en étant pas encore là. Finalement, je l'ai découvert petit à petit, sur le tard, sans avoir rencontré personne qui l'écoutait autour de moi. 

Mais il reste tant à écouter, une soixantaine d'albums au bas mot ! 

Tout est dans Zappa, compositeur génial dont il y a tant à dire, ses maîtres (Varèse, Stravinsky), ses compositions pour orchestre classique jouées entre autres par Pierre Boulez et des orchestres européens, son amour pour le rythm'n blues et le doo-wop, son exigence vis-à-vis de ses musiciens (qui devaient être très bons, savoir lire sa musique et pouvoir la jouer, répéter des mois entiers pour préparer les tournées, connaître sur le bout des doigts des centaines de morceaux, suivre les indications de jeu et d'improvisation sur scène, participer pleinement au show), ses expérimentations sonores et instrumentales, sa critique sociale et son engagement … 

 Blaise, tout est dans Zappa je te dis !


vendredi 11 octobre 2019

Eric Burdon Olympia 2019 It's my life

Eric Burdon @ Paris Olypia


Eric Burdon Paris Olympia 2019


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Paris, le 9 octobre 2019.

En intro, si quelqu'un sait où se procure une affiche, sois sympa de me faire un message!!

Eric Burdon nous faisait l'honneur d'un détour par Paris Olympia hier soir, dans le cadre de sa tournée d'adieux 'It's my life'.

Quelle soirée! Emotion, Blues, fucking good sound, et bien sûr, "the House of the Rising Sun". Mais comment et pourquoi hélàs limiter Eric Burdon à ce titre mythique?

On sait combien ce titre lui est douloureux, symbole d’un grand gachis: La perte d’un groupe prometteur en pleine gloire. la fin des illusions, des amitiés de jeunesse….
Il (ils, car le groupe est au top) nous en offre une version (7 minutes 30 environ) magnifique, avec un clavier qui ferait oublier l’original… 7 minutes 30, mais je ne sais pas pourquoi, j’ai le sentiment qu’Eric Burdon n’est pas dans un jour où il veut en parler, comme il le fait parfois, prenant la parole pour parler au public, lors de l’intro ou pendant l’un des solos…

Merci, merci d’avoir chanté ce titre qui compte tant pour nous, malgré ce qu’il vous en coûte! Respect.

Il intervient peu, d’ailleurs, et ce sera le seul regret de ce concert. Arte avait livré il y a quelques jours un documentaire qui nous le montrait plein d’humour, mais aussi très “bavard” et plein d’anecdotes et formidable comteur du blues…. Pas de paroles donc, est-il désabusé, fatigué, déçu de sa récente mésaventure en Hollande (concerts annulés)? Mais il nous donne un concert au son parfait, au groove incroyable,où il donne tout dès qu’il chante. Eric Burdon est un Soul man. On se croirait dans une gospel church, c’est fantastique.

Oh, il n’a plus tout à fait la même voix qu’à 17 ans! Et? Un charisme, une présence, une aura même, incroyables. Sa voix? Elle est plus grave, plus forte, et tellement émouvante quand il chante:
“In this dirty old part of the city
Where the sun refused to shine
People tell me there ain't no use in tryin'”
(We gonna get out of this place, qu’il chante, malicieusement, au 2eme rappel, avant dernier titre d’un set de rêve).

Sa voix? la voix du blues. fantastique, charismatique... Il rend hommage aux Maitres, Memphis Slim en tête.
Un regret? (No, no regrets..): Je rêvais d’un “Bo Diddley Special”… Mais le set est magnifique.

Le concert avait tellement bien commencé avec Mamma told me not to come! Une fusée. Amusant, Eric... Il commencera le second rappel avec la cover anglaise de "je ne regrette rien", encore l'humour anglais, pour finir sur "we gotta get out of this place" et Hold on I'm coming, magnifique. Comme si les titres choisis exprimaient ce qu’il n’a plus envie de dire, ce qu’il n’a jamais pu oublier vraiment du gachis expliqué plus haut?

A la fin de l’ent’acte, après la première partie, le trac m’a pris: j’attends ce moment depuis tellement longtemps que…. Et si j’étais déçu de trop avoir imaginé ce moment, imaginé le son, ce son qui raisonne dans ma tête depuis tant et tant, “When I was young”…
Les premières mesures sonnent et balaient mon trac: 

Le concert est inoubliable.

 

Z’auriez dû venir…  (un clic sur l'image ci-dessus vous amènera délicatement sur la page AMAZON du LIVE d'Eric Burdon à Ventura Beach en 1990!)