dimanche 20 mars 2016

On nous dit que 1966 est "l'année qui bouleversa la musique". Ah, bon?

1966



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Il se lit ces temps dernier (voir le N° spécial éponyme des Inrockuptibles) que 1966 serait "l'année où tout a basculé", l'année charnière de l'histoire du rock'n roll.

A d'autres. 1966 est l'année qui permet "aux Inrocks"de sortir un numéro nostalgique "il y a 50 ans", sans attendre 2017 pour parler de 1967...

Car s'il y a eu un basculement spectaculaire de la culture rock au milieu des années 60, c'est bien évidement en 1967 que ça s'est produit..

Enfin, dans la logique bien établie qui consiste à tout classifier, tout expliquer, tout rationaliser. Et quand on décide d'aller par là, on détermine avec précision l'année de naissance du rock'n roll (1951), l'année de sa mort (1959, le 3 février), de sa renaissance chez les britanniques (1962), et ainsi de suite. On y reviendra un autre jour, mais cette frise chronologique en fait assez subjective se poursuit  avec 1965, naissance véritable de la British Invasion, des Animals, des Who, puis 1967, dont on reparlera un jour…

Dans ce classement, que vient donc faire 1966? J'avoue avoir un peu de mal à répondre, même avec le magazine cité plus haut sur les genoux: d'abord, il n'est pas sur mes genoux, ensuite, s'il y était, je ne pourrai pas m'y référer parce que la table sur laquelle j'écris le cacherait à mon regard.
Mais pour l'avoir lu avec attention, je n'ai pas pour autant une réponse claire à ma question.

C'est marrant d'ailleurs, en attrapant le magazine chez le marchand, je suis tombé sur la couverture de l'éminent Rock & Folk (eh oui, folk, ce qui est bien l'une des marques de l'année 66..). Ce magazine met en couverture de son N° de mars 2016 un Polnareff (qui tient une Rickenbacker 360 FG). (presque) le même Polnareff que celui qui ornait la couverture du N° 1 en … 1966!

Diabolique.

A part ça, on peine à voir émerger un courant, une suite logique de faits marquants l'année 1966. On verra un autre jour que l'année suivante sera, elle, marquée par la concomitance d'événements bien plus marquants et fondateurs.

Bien sûr, les Beatles sortent Revolver, et c'est un album énorme. Mais à cette époque là, les Fab Four, (saluons ici George Martin qui était le Fab Five et qui vient de nous quitter) sortent chaque année un album  énorme et révolutionnaire (on a parlé du Rubber Soul de 1965).

Ah, si, les BeachBoys sortent Pet Sound. J'ai déjà parlé de cet album, qui est effectivement crucial et précurseur du rock psychédélique. Si un seul album peut faire d'une année un millésime, alors oui, 1966 vaut qu'on y consacre une étude. Sinon…. Il faut se contenter de l'autoreprise de Sound of Silence par Simon et Garfunkel, pour la joie de nos profs d'anglais…

J'exagère un peu. Il n'est pas question de jeter le discrédit ou de minimiser les groupes et leur créations sorties en 1966 (Houlà, on ne peut quand même pas oublier Aftermath des Rolling Stones!!! (le dit magazine (n')y consacre (qu')une page, ce qui est bien peu au regard de la puissance et de l'importance de cet album, premier des Stones dans lequel ne figure aucune reprise, et tant de pépites: Mother's little helper, Lady Jane, Under my Thumb, Out of time… entre autres.

Ah, ben ça fait deux raisons de parler de 66 alors? Tu verras quand on parlera de 67..  Tu verrais si on parlais de 65.

Allez, je vais être bon prince, il y en aurait bien une troisième, en l'album des Who "A quick one", qui marque l'antichambre de la naissance de l'opéra rock, coup d'essai avant Tommy.

En gros on a fait le tour, sauf à tirer un peu sur la corde en parlant de Hendrix (dont la véritable explosion aura lieu plus tard), en oubliant de parler des débuts de Pink Floyd et de Jefferson Airplane façon Grace Slick..



Je sors donc de cette lecture avec les questions qui étaient les miennes à l'entrée. 1966? Ah bon. 



samedi 12 mars 2016

Ain't no sunshine, Bill Withers, 1971


I know, I know, I know...


Ain't no sunshine, Bill Withers, 1971


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Bill Withers, encore un type qui aura marqué l'histoire du rock, de la soul plus précisément, et dont personne ne parle jamais.
Aujourd'hui on évoque Ain't no sunshine, pépite incroyable qui a fait le succès de Bill Withers au point de l'étouffer et de lui voler la vedette! Mais Bill Withers, c'est aussi Just the two of us (excusez du peu), Harlem…
C'est l'un des grands représentants du son de Memphis, sans doute parce qu'il est accompagné par les stars de la Stax (  Ain't..  Est produit par Booker T Jones (qui signe les arrangements) quand même, hein, et Donald "Duck" Dunn (revoyez les Blues Brothers), Stephen Stills sont aux instruments).

Etonnant tout de même ce morceau, un brin bancal si on tient à une structure bien carrée, propre et tout. Comme Bill Withers vient auditionner alors que son morceau n'est pas terminé (il a pas tout écrit les paroles), il fredonne "I know" pour faire office de deuxième couplet. 26 fois "I know". 26 fois, quand même. Du coup moi aussi je fais un peu du remplissage…
Tout petit déjà, Bill Withers voulait devenir artiste. Mais bon, il est pragmatique et prudent, il se fait donc embaucher dans une usine (qui fabrique des sièges pour les avions - en vlà un détail important). D'ailleurs, il ne quittera pas "tout de suite" son job. Prudent, on vous dit.
Objectivement Bill Withers représente un style qui n'est pas, comme ne disent pas particulièrement les britaniques, ma tasse de thé.

Mais il faut avouer qu'il émane de ce titre, Ain't no sunshine, une magie rare. Due au dépouillement? A l'apparente fragilité de l'ensemble? Au sentiment qu'il "manque quelque chose"? Ce n'est, on l'a vu, pas qu'un sentiment! Au fait qu'on sent bien qu'on est loin des trucs sur-produits et tellement peaufinés qu'ils en perdent toute sensibilité toute âme. Car "la musique est un cri qui vient de l'intérieur", hein. La science mathématique est ce que les hommes, voulant tout codifier, ont plaqué dessus comme pour montrer qu'ils sont supérieurs aux émotions que la musique procure, qu'on peut les expliquer.

Bien plus blues que ce que fera Bill Withers ensuite, avec cet échange entre la voix et le riff de guitare, trois accords qui semble répondre au chanteur un peu comme Lucile répond à BB King. Le morceau commence 'A capella", puis viennent progressivement la guitare, puis la basse/batterie, avant le break du second couplet "I Know.." ponctué par la seule batterie. Simple, efficace. Magique. On pense aux Funk Brothers de la Motown (Ecurie concurrente!!), à "I heard it through the grapevine" et au fabuleux documentaire où les musiciens expliquent comment le morceau est né, puis le jouent en live…
Ain't No Sunshine n'est pas seulement étonnant par sa structure et la litanie des "I know" qui l'ont rendu si célèbre:
 Morceau court (2 minutes à peine passées), il surprend aussi par sa fin… qui nous laisse sur la nôtre.