dimanche 26 juin 2016

Fisher Z, 1982, Grande Bretagne, Red Skies Over Paradise

Fisher Z

l'Europe du Rock dans les années 80 

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Cold War Rock'n Roll



Est-ce vraiment le hasard qui guide ma main en ce jeudi matin, vers la sélection sur Spotify de l’album Red Skies Over Paradise de Fisher Z ?



Je n’ai pas ré-écouté cet album plus d’une dizaine de fois depuis 1982. Nous étions quatre co-locataires de ce petit pavillon de la banlieue nord ouest de Londres (Hendon, NW5), étudiants d’un prototype d’Erasmus. Pas très éloigné de ce que montrera 20 ans plus tard Cédric Klapisch dans L’Auberge Espagnole… mais à Londres.

Je l’ai souvent écrit ici, 1982, la Grande-Bretagne vogue entre crise économique, quasi état de guerre (Irlande du Nord), et tiraillements géopolitiques : Faut-il rester une ile, se rapprocher encore de l’Europe, revenir vers l’Oncle Sam ? 


Les tensions de la guerre froide n’arrangent rien et planent au dessus de nos têtes. Au point qu’en 1983 la reine préparera, à toutes fins utiles, un discours annonçant à son peuple la 3ème guerre mondiale. 

Que faisiez vous en septembre 1983? 
Quand, au début du mois, l'URSS flingue un Boeing 747 civil? 
Quand, le 26, un gradé soviétique choisit de ne pas croire les alertes radar qui indiquent l'arrivée de 5 missiles US? Dédions cet article au Lieutenant Colonel Stanislav Ievgrafovitch Petrov, qui décida au risque de sa carrière, de ne pas enclencher la riposte, ce qui nous permet d'être ici pour en parler.

Nous habitions donc, non loin de Camden Town, et c’est là qu’Etienne, l’un des co-locataires de ce home sweet home, apporta un soir une cassette de Fisher Z. Red Skies over Paradise, dernier album du groupe original.

Autant dire une météorite, puisque c’est le troisième album du groupe. D’autres formations ou reformations émergeront ensuite, mais la fougue et l’énergie créatrice ne seront plus vraiment au rendez-vous.




Red Skies Over Paradise. Le ton est donné. Dans un style musical très particulier, qui prend racine quelque part entre Garage rock, Punk et Reggae, tout en intégrant la modernité d’une New Wave à venir.

L’album navigue entre satire sociale (You’ never find Brian here, Bathroom Scenario, Wristcutter Lullaby, Multinationals Bite, The Writer ) et un thème récurrent (5 titres sur les 13 de l’album), la guerre froide, la peur des autres, la menace de la troisième. La dramaturgie est bien entendu marquée par les mélodies, qui collent parfaitement au propos.

Ce jeudi, je ré-écoute donc, sans doute pas par hasard, cet album qui n’a pas pris une ride, musicalement parlant, et fait regretter que ce groupe n’ait pas persévéré. Fisher Z maintenait, en ce début des années 80, la flamme du "contest song", avec une énergie et un talent évident, loin de la légèreté des Smith par exemple, mais un succès bien moindre que les Jams par exemple...

Ce sont bien sûr Cruise Missiles, Red Skies Over Paradise qui résonnent âprement aujourd’hui. Batallions of Strangers aussi, qui montrait l’urgence de construire un modèle qui effacerai la peur de l’autre, du voisin, cette peur qui avait déchiré les peuples du vieux continent des décennies durant. L’Europe portait alors encore, y compris en Albion, l’espoir que les pères fondateurs avait essayé d’introduire, d’une possibilité de vivre ensemble au dessus des nations sans se foutre sur la gueule à coup de missiles intercontinentaux, et sans doute pour empêcher que certains aient envie de le faire..

Ce jeudi, Fisher Z fait résonner ce temps ou Berlin (cf ce titre) était une ile déchirée et coupée par un mur, et montre le chemin parcouru depuis, par une volonté populaire capable de démanteler les murs que les élites n’osent toucher. Un temps ou la volonté d’un destin commun était plus forte que la peur de l’autre, et ou l’espoir des peuples était plus fort que le conservatisme des dirigeants.

Brexit? Et si le signal du peuple britannique était de la même veine, en refusant de l’Europe que ce qu’elle est devenue, pour la faire renaître sur les fondement de nos vieux idéaux ?



samedi 11 juin 2016

The Box Tops, The Letter, 1967

The Box Top - The Letter - 1967

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Un garage rock rugueux et authentique.

 

Une autre raison de considérer 1967 comme « L’Année » !!

Un "groove" comme on dit maintenant, un son, une voix rauque qui semblent le résultat d'années d'errance et de galère à chanter le blues et à crier sa peine au fond de bars glauques de l'Amérique profonde, enfumés, gras et où on vient noyer sa lassitude et sa peine dans un bourbon de seconde zone.

Et tu regardes le clip, et tu restes interdit: En fait de vieux revenus de tout, tu découvres de très jeunes types, des gamins qui semblent avoir tout encore à découvrir.

Le choc ! Leçon intégrale de Soul en moins de 2 minutes, déclamée par le chanteur, du haut de ses 16 ans lorsqu'il crie son besoin d'un billet d'avion pour rejoindre sa belle. Alex Chilton,16 ans et le feeling d’un vieux bluesman.

De ce côté-là de l’atlantique, loin de Liverpool, du Crawdaddy et du Marquee, une vague moins légendaire, mais aussi volontaire, que le British Blues Boom tente de faire renaitre le Blues… Les Box Tops sont du voyage, de ce qu’on appelera la Blue eyed Soul.

Un peu comme pour mes chers Animals, hélàs avec un succès moins durable, ces Box Tops pratiquent un art qui vient des tripes et qui nous prend au même endroit.

Pas de sophistication, pas de fioriture, pas de faux semblant. C’est cash, ça vient des trippes et ça envoie sans réfléchir.

1 minute et 58 secondes, le temps qu’il faut pour tout dire, tout exprimer de la nécessité de retrouver l’autre à tout prix, par tout les moyens. Va pour l’ « éroplane ».

The Letter a été un hit énorme, et pourtant seul de ce groupe, véritable one hit wonder. On pense forcément à Louie Louie, Gloria, à ces titres phares qui ont marqué l’histoire du Rock d’un[ba1] e étincelle de génie, tellement intense que leurs créateurs et interprètes, comme si ils avaient tout donné, ne puissent ensuite livrer davantage.

C’est, en réalité, sans doute une des raisons qui font que ce titre, qui devrait respirer le bonheur du gars qui se paie l’avion pour rejoindre sa nana, parce que le train ne serait pas assez rapide, et que la solitude a assez duré, nous laisse pourtant « bluesy ».

Ou peut-être que ce son à la fois dur et brutal, cette rugosité « garage », auquel s’ajoute ce gout de « trop peu », qui fait qu’on s’attend à un couplet supplémentaire, alors que se termine le solo à l’orgue. Non, c’est fini. Deux couplets, un refrain, puis ensuite on reprend le couplet et le refrain.

Pourquoi en rajouter ?

The Letter figure, avec The House of the Rising Sun (the Animals), et les titers cités ci-dessus, au panthéon du Rock de Mon Histoire du Rock. Et je ne « sais » pas pourquoi.

Joe Cocker reprendra The Letter, mais cette fois, il ne fera pas mieux.