Gainsbourg
ou Gainsbarre?
Je suis, ce texte en est la preuve, une victime de la télévision. Car qui aurait pu dire la semaine dernière que le billet suivant celui célébrant les Kinks serait consacré à Serge Gainsbourg ?
Mais il faut se rendre à l’évidence, c’est en revoyant le biopic « Gainsbourg, vie héroïque », que ce billet en est devenu une (évidence).
Pour moi l’évocation de Serge Gainsbourg suscite immédiatement deux ou trois images et résonances :
D’abord bien l’évident successeur de Boris Vian (dont il sera pianiste sur scène) dans la talentueuse sphère Zazou, jazzy, et aboutissant, comme lui, à composer à son grand dam des « tubes » bien éloignés de ses prétentions originelles. Pianiste comme son père, il maitrise parfaitement cette technique particulière aux « piano-bars », qui consiste à s’approprier très rapidement un morceau, une chanson, pour la jouer, à la demande des clients, en enchainant les styles qui n’ont rien à voir, jazzifiant les classiques et adaptant les styles.
Il faut bien vivre, et ce personnage multi face, à la fois complexé et sûr de sa supériorité artistique, se lance, après avoir abandonné la peinture, dans la chanson.
Il abordera tous les styles musicaux, du Yéyé au Reggae - pour lequel il se fera accompagner par les maitres !! - et même au hard rock. L’homme à la tête de chou composera pour toutes les icônes féminines du show bizz, qui empresseront chez lui pour avoir « leur » album. Et, dira-t-il, bien plus.
Nombreux sont ceux qui reprochent à Gainsbourg son manque d’inventivité qui selon eux l’oblige à utiliser des mélodies classiques (Brahms, Dvorak, Chopin entre autres…) plutôt que de composer des mélodies originales. C’est évidement le contraire, sa culture piano bar lui permettant de transposer, en forme d’hommage à un art majeur, comme il dit.
Angoissé profond, Gainsbourg était aussi mégalo aimant à se montrer coute que coute, sans doute par crainte que la gloire ne dure pas… Il mettra assez tôt en scène sa vie d’excès et sa déchéance physique, s’autodétruisant tel l’âne de Buridan par crainte de mourir. Les médias des années 80, mauvais génie et junkie fournissant au camé sa drogue, lui offriront sans honte la corde pour qu’il se pende. Les animateurs bien pensants l’inviteront donc pour faire le buzz, tant mieux s’il est bourré et odieux. Peu importe son vrai talent, qu’aucun ne saluera alors. La spirale dans laquelle il était entrainé, il la connaissait pour l’avoir bien décrite (Il faut lire Gainsbourg (et particulièrement Euvgénie Sokoloff, pour comprendre.).
Au moment de créer Gainsbarre, il décrira, dans un style "très class", comme il disait, son mal-être et sa nécessité de créer, dans son roman autobiographique et visionnaire de ce qu'il était en train de devenir, Euvguénie Sokolov.
Je préfère retenir de cet Artiste cette fabuleuse capacité à composer, paroles (écoutez attentivement les textes !) et musiques, dans tous les styles, le sens des mélodies, mais aussi, ce qui est peu souligné chez Gainsbourg, du rythme, des rythmes.